Pour comprendre le rôle majeur que joue l’agriculture dans le réchauffement climatique et prendre la mesure de l’importance d’en modifier les pratiques, revenons aux fondamentaux.
L’effet de serre, comment ça marche ?
Le soleil émet des rayonnements qui arrivent jusqu’à notre atmosphère. Un tiers des rayonnements se heurte aux nuages et aux différents gaz qui protègent notre planète et sont réfléchis vers l’espace.
Les deux autres tiers des rayonnements traversent la couche atmosphérique et sont absorbés par les sols et les océans qu’ils réchauffent. En se réchauffant, la surface de la Terre émet des rayons infrarouges. Mais grâce aux nuages et aux gaz de l’atmosphère, ces rayons sont stoppés et rebondissent vers le sol, piégés.
C’est cet effet de serre, nommé ainsi en référence au phénomène identique qui se produit dans une serre de jardinier, qui donne à la Terre une température permettant d’accueillir la vie, c’est-à-dire une moyenne de 15°C. Sans l’effet de serre, la température à la surface du globe serait beaucoup plus hostile, estimée à environ -18°C !
L’effet parasol : qu’est-ce que c’est ?
Nous avons déjà évoqué le fait que la vapeur d’eau est le premier gaz à effet de serre et que le dérèglement de son cycle a un impact fort dans le changement climatique que nous connaissons.
Selon Laurent Denise, chercheur en climatologie, météorologie et agroforesterie, la solution consisterait à rééquilibrer les émissions de vapeur d’eau tout au long de l’année et l’outil idéal pour le faire existe déjà depuis des millions d’années. En cette année 2023, rares sont les habitants du monde qui n’ont pas entendu parler de sécheresse. Mais ce qui est moins évident dans la conscience collective est que les sécheresses ont un lien étroit avec la quantité de vapeur d’eau contenue dans notre atmosphère, et surtout un lien étroit avec… les arbres.
Il explique que seulement 30% des pluies proviennent de l’évaporation de l’eau de mer. Les 70% restants proviennent de l’évapotranspiration des forêts ! Et particulièrement des forêts de feuillus (car les conifères transpirent beaucoup moins). Dans notre atmosphère, il dissocie plus précisément l’effet de serre, permettant surtout de maintenir la température la nuit, et l’effet “parasol”, qui nous protège durant la journée des rayons du soleil et évite au mercure de crever le plafond. Cet effet parasol, qui pourrait éviter les sécheresses et les forts écarts de température à la surface du globe, résulte de la quantité d’eau qui s’évapore à la surface de la planète.
Quelques explications s’imposent. Pour qu’un liquide s’évapore, c’est-à-dire passe de l’état liquide à l’état gazeux, les lois de l’entropie demandent la consommation d’une certaine quantité de chaleur, donc d’énergie. C’est le cas lorsque vous souhaitez faire bouillir de l’eau : l’électricité ou le gaz se chargent souvent d’apporter l’énergie nécessaire à la montée en température, permettant d’atteindre le bouillonnement. A la surface du globe, c’est la même chose. L’évaporation de l’eau absorbe la chaleur issue des rayons du soleil et ce faisant, elle évite que cette énergie soit stockée dans le sol et le réchauffe. Si la surface de la terre dispose d’une quantité d’eau qui s’évapore, elle est moins soumise au réchauffement et sa température reste modérée.
Chaque jour, pour réguler sa température au fil de sa croissance, une plante évapo-transpire. Elle va chercher de l’eau en profondeur dans le sol, la remonte dans son système carboné grâce à ses racines, puis ouvre des pores sur ses feuilles et évacue de l’eau pour “se rafraîchir”. Un hectare de feuillus peut transpirer jusqu’à 5000m3 d’eau par an ! Cette vapeur d’eau, rejetée par les arbres, a toujours fait partie du cycle de l’eau et nous a permis durant des siècles d’éviter les canicules et les sécheresses trop fréquentes. Si ces dernières se sont aggravées et sont de plus en plus nombreuses chaque année, c’est en partie à cause de la déforestation, couplée au dérèglement du cycle de l’eau. Les villes ne sont plus entourées de forêts, climatiseurs naturels. Elles sont maintenant bordées de vastes champs céréaliers ou destinés à l’élevage, où les arbres se font de plus en plus rares.
Les arbres qui possèdent par ailleurs la capacité de faire pleuvoir ! Une étude américaine publiée en 2017 portant sur la forêt amazonienne prouve que la concentration de vapeur d’eau évapo-transpirée au-dessus de la canopée provoque des précipitations. Cette étude vient confirmer les travaux du botaniste de renom Francis Hallé, qui avait lui aussi travaillé sur la capacité des arbres à modifier leur environnement et à influencer le climat. Les pluies permettent ensuite d’alimenter les sols de culture, les rivières, les nappes phréatiques…
Les villes se rapprochent chaque jour un peu plus des déserts, ces zones déboisées où il ne pleut pas et où les écarts de température sont très forts. Pour éviter la désertification, le reboisement s’impose ! Redonnons à nos continents la capacité de transpirer !