La vapeur d’eau est le premier gaz à effet de serre, mais fait peu de bruit dans l’espace médiatique. Les autres gaz dont la concentration atmosphérique et la hausse récente attirent l’attention générale sont :
- le dioxyde de carbone (CO2 )
- le méthane (CH₄)
- le protoxyde d’azote (N₂O)
- l’ozone (O₃)
- les halocarbures et gaz artificiels fluoré
L’augmentation du CO2, ou la conséquence de notre progrès
La quantité de dioxyde de carbone dans l’atmosphère a augmenté de plus de 40 % en à peine 150 ans.
Cette augmentation est principalement anthropique, c’est-à-dire liée aux activités humaines. En 2019, le Potsdam Institute for Climate Impact Research a estimé la concentration de CO2 dans l’atmosphère à 412 ppm (parties par million), contre 280 ppm au début de l’ère industrielle. Soit une hausse de 47%. Cette augmentation est à l’origine d’environ 2/3 de l’effet de serre additionnel accumulé depuis 1750. Si cette concentration n’est pas inédite dans l’histoire de la planète – c’est il y a 3 millions d’années, pendant le Pliocène, qu’elle atteignait le seuil des 400 ppm pour la dernière fois – elle n’a cependant jamais grimpé aussi rapidement. C’est le déstockage massif du carbone fossile des sols, sous forme de pétrole, de gaz naturel et de charbon, et leur combustion au service des transports, des produits manufacturés, du chauffage… bref, de notre confort, qui sont évidemment la cause la plus importante et la plus connue du grand public. Et le pétrole, le charbon et les gaz naturels sont issus des matières organiques décomposées : en bref, ce sont principalement des atomes de carbone (combinés à d’autres éléments) ! Jusqu’ici, je parie que vous le saviez déjà.
Pour beaucoup de gens, il est cependant moins clair que le travail et l’usage des sols par l’agriculture ont également un rôle clé dans le relâchement d’une grande quantité de dioxyde de carbone dans l’atmosphère depuis 1750. Entre 50 et 75 % du carbone des sols est passé dans l’atmosphère à cause de nos mauvaises pratiques : travail du sol, surpâturage, etc. La déforestation, c’est-à-dire la destruction des forêts pour exploiter davantage de prairies et terres arables, la généralisation du labour grâce à l’industrialisation et à la mécanisation de la production, notamment après la Seconde Guerre Mondiale, et l’élevage intensif génèrent à eux seuls en 2019 plus de 20% des émissions de carbone de la planète. Soit près de 10 Giga Tonnes par an, en comptant les émissions liées aux énergies fossiles utilisées. Et ça, vous l’aviez en tête ?
En vous parlant de ça, je voudrais remettre les sols au centre des solutions et partager les pratiques qui permettent d’en faire de véritables puits de carbone (et d’eau !) dans une perspective durable.
L’augmentation du méthane, parce que l’humain aime la viande
Les données de 2017 du Global Carbon Project estiment l’augmentation des émissions annuelles de méthane à 9 %, soit 50 millions de tonnes par an, depuis le début des années 2000. De quoi prouver que la croissance peut être infinie, finalement…
Le méthane est le deuxième gaz à effet de serre sur le podium des GES reconnus. Il est naturellement dégagé par des processus de fermentation de matières végétales comme ceux qui se produisent dans les marécages ou les décharges. Au cours de ces processus, le méthane est synthétisé sous l’action de bactéries anaérobies (c’est-à-dire vivant dans des milieux pauvres en oxygène). On appelle ce procédé la méthanogenèse. Elle se produit également lors de la digestion des animaux ruminants.
Le méthane est un gaz beaucoup moins concentré dans l’atmosphère que le dioxyde de carbone, mais son Pouvoir de Réchauffement Global (PRG) est 28 fois supérieur ! Donc en fait, même s’il y en a moins, c’est tout aussi grave.
L’augmentation du méthane dans l’atmosphère est ainsi responsable d’environ ¼ de l’effet de serre additionnel, lié aux activités humaines. Ses émissions ont plus que doublé depuis l’Ère Industrielle pour atteindre 1869 ppb (parties par milliard) en 2019, contre seulement 730 ppb en 1750 (une augmentation de 156% !).
Ce sont notamment l’agriculture intensive et l’élevage à grande échelle qui sont mis en cause dans l’augmentation des quantités de méthane relâchées dans l’atmosphère depuis quelques siècles. Sur le banc des accusés, on trouve aussi le traitement des déchets et le déstockage des énergies fossiles qui libère du gaz jusque là emprisonné dans les sols.
En matière d’agriculture et d’élevage, la fermentation entérique (c’est le terme chic pour dire intestinale) des animaux ruminants et la fermentation des fumiers génèrent jusqu’à 20% des émissions de méthane dans l’atmosphère. Selon leur alimentation, les vaches émettent plus ou moins de méthane, l’herbe et le foin étant moins méthanogènes que les céréales et autres concentrés. Enfin, et ça serait un “fun fact” si ça n’était pas aussi triste, la culture du riz – qui inonde les champs et vide les sols de leur oxygène, favorisant le développement des bactéries méthanogènes – représente à elle seule près de 10% des émissions.
L’augmentation de protoxyde d’azote, parce qu’on a inventé les engrais
Le protoxyde d’azote est responsable à lui seul de 6 % du réchauffement causé par l’homme. Il s’agit d’un gaz présent naturellement dans les sols, mais dont la présence dans l’atmosphère est augmentée par la production et l’épandage d’engrais azotés en agriculture, les rejets de fumiers animaux et la combustion d’énergies fossiles ou l’utilisation d’agrocarburants. Je me répète un peu non ?
Là où le bât blesse davantage, c’est que le protoxyde d’azote possède un PRG de 25 fois supérieur à celui du méthane et 265 fois supérieur à celui du CO2 !
Les engrais azotés sont souvent apportés dans des sols peu fertiles, afin de fournir à la plante, grâce à la chimie de synthèse, l’azote (N) nécessaire à son développement. Elle ne le trouve pas naturellement dans le sol car celui-ci, à force d’être labouré, est trop pauvre en matière organique et en carbone (nous verrons par la suite les interactions entre le carbone et l’azote dans un sol naturellement vivant). Sur le principe, l’idée est bonne : apporter à la plante ce qui lui manque par des intrants chimiques. Seulement comme tout un tas de bonnes idées, ça ne marche pas à chaque fois (et les Darwin Awards nous le rappellent régulièrement). Une quantité importante de l’azote contenu dans les engrais ne s’incorpore jamais aux plantes et est éliminé (on parle de lessivage ou “lixiviation”) : jusqu’à 60% ! Il percole alors dans les sols sous forme de Nitrates (NO3-) et contamine les cours d’eau et les nappes phréatiques, où il peut engendrer une prolifération d’algues et un déséquilibre de l’environnement.
La production d’engrais azoté ayant été multipliée par 10 depuis les années 1960, les émissions de protoxyde d’azote ont augmenté en conséquence : +30% en moins de 40 ans. C’est ce qu’on appelle une corrélation ou je ne m’y connaîs pas.
L’augmentation de l’Ozone, le gaz vicieux qu’on n’avait pas vu venir
La concentration d’ozone troposphérique a doublé voire triplé au cours du XXe siècle. L’Ozone est un gaz naturellement présent dans notre atmosphère, et particulièrement dans la couche stratosphérique, située à 20 km de la surface de la Terre. Il nous protège des rayons ultraviolets nocifs en provenance du Soleil. Donc dans l’absolu, c’est plutôt un “friendly” gaz. Mais les activités humaines augmentent sa production de manière indirecte. En effet, l’ozone se crée au cours d’un processus de transformation chimique d’autres polluants comme le méthane, le monoxyde de carbone ou le dioxyde d’azote (NO2), émis par les échappements des véhicules ou les incendies, lorsqu’ils sont au contact des rayonnements solaires UV.
La création de l’ozone est donc favorisée en cas de fortes chaleurs et d’anticyclone prolongé. Dans les lieux de fortes pollutions atmosphériques, comme les villes, il peut stagner plusieurs jours en restant dans la troposphère, la couche située entre 0 et 10km de la Terre. A cette altitude, l’Ozone devient dangereux pour la santé humaine et celle des végétaux, dont il perturbe la photosynthèse, pouvant entraîner des nécroses. Pour limiter les effets des polluants atmosphériques, les grandes villes ont mis en place la circulation alternée… Avec ça c’est sûr, on est sauvé !
L’augmentation de gaz fluorés et halocarbures : parce qu’une réunion sans clim, c’est intenable !
Les émissions de gaz fluorés et halocarbures ont augmenté de 312% entre 1990 et 2011. Les dates se rapprochent…
Les hydrofluorocarbures (HFC) et les perfluorocarbures (PFC) – à vos souhaits ! – sont des gaz artificiels, qui n’existent pas naturellement dans l’atmosphère. Ils ont été créés chimiquement par l’homme, d’abord pour remplacer les halocarbures, responsables du trou dans la couche d’Ozone, et sont principalement utilisés dans les systèmes de refroidissement et de production de froid (climatiseurs, réfrigérateurs) et les dispositifs anti incendie comme les extincteurs. Ils entrent aussi dans la fabrication des mousses expansives, des aérosols et des semi-conducteurs ou des applications électriques des ordinateurs et smartphones. Enfin, ils peuvent être émis par des procédés industriels comme la fusion de l’aluminium. L’hexafluorure de soufre (SF6) est utilisé dans les équipements électriques de haute et moyenne tension ou comme gaz inertant dans la production de magnésium. Allez j’arrête là pour ne pas vous faire décrocher.
Créés pour être moins destructeurs de notre couche atmosphérique protectrice, ils partaient donc d’une bonne intention. Mais tous ces gaz ont cependant un puissant impact sur l’effet de serre. Le PRG du SF6 est 23 900 fois supérieur à celui du CO2 !
En résumé
“Les activités humaines telles que l’utilisation de combustibles fossiles, l’exploitation des forêts tropicales, l’élevage du bétail, exercent une influence croissante sur le climat et la température de la Terre. Ces activités libèrent d’énormes quantités de gaz à effet de serre, qui viennent s’ajouter à celles naturellement présentes dans l’atmosphère, renforçant ainsi l’effet de serre et le réchauffement de la planète.”
Ajoutons à cette citation de la Commission Européenne le rôle du travail mécanique des terres cultivées et nous voilà avec un résumé assez efficace décrivant les causes du réchauffement planétaire qui s’annonce comme la crise majeure des prochaines décennies.
GES (Gaz à Effet de Serre) | Responsabilité dans le réchauffement climatique | PRG (Potentiel de Réchauffement global) | Durée de vie dans l’atmosphère (en années) |
CO2 | 60% | 1 | 100 |
CH4 | 15% | 25 | 14 |
N2O | 6% | 298 | 120 |
HFC | 15% | 140 à 11700 | 1,5 à 264 |
PFC | 15% | 6500 à 9200 | 2600 à 50000 |
SF6 | 15% | 22800 | 3200 |