Le cycle de la matière organique

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Agradation et dégradation du sol

Le sol n’existerait pas sans matière organique (MO) ! Elle est une de ses composantes, avec les roches, les gaz, et les substances liquides (dont l’eau). La matière organique peut être tantôt morte, tantôt vivante (les plantes, les vers de terre, les champignons…). Ce qu’on appelle « matière organique » dans son ensemble – vivante et morte donc – crée la fertilité d’un sol et sa capacité à héberger et alimenter la vie dans des cycles naturels.

C’est à la matière organique morte (faune et flore) que nous allons nous intéresser tout particulièrement. Elle se transforme en sol à travers plusieurs processus :

L’humification

L’humification, c’est-à-dire la transformation en humus sous l’action de la vie du sol. Les champignons et les bactéries sécrètent des enzymes qui dégradent la MO pour pouvoir s’en nourrir. Ils la transforment chimiquement et la rejettent dans leurs déjections, un peu plus dégradée. Sous cette forme, la MO reste durablement dans le sol. C’est une réserve de carbone pas encore accessible, qui peut continuer de se dégrader lentement et être consommée plus tard. On lui associe un coefficient qu’on appelle K1 (il représente la partie de la matière organique morte qui va se transformer en humus stable).

La minéralisation

La minéralisation, c’est-à-dire la décomposition rapide, la transformation en nutriments minéraux directement assimilables par les plantes. Cette transformation se fait notamment sous l’action de micro-organismes mais aussi de l’oxygène qui l’accélère. On lui associe un coefficient nommé K2 (il représente la partie de la matière organique morte qui va se transformer en nourriture immédiate pour les plantes). La minéralisation est naturellement plus rapide au printemps et à l’automne, lorsque les températures et les conditions d’humidité sont idéales pour l’action des micro-organismes du sol.

La fossilisation dans certaines conditions défavorables à la vie, comme dans un milieu très réduit, dépourvu d’oxygène (c’est ce processus qui a donné le pétrole notamment).

Suivant le processus de décomposition de la MO qui prévaut, le sol est tantôt agradé, tantôt dégradé. Dans la nature, les deux phénomènes d’humification et minéralisation se produisent toujours en simultané. La lente décomposition des matières en surface crée une réserve de nourriture, un stock de carbone organique prêt à être consommé et décomposé. C’est l’humification. La vie du sol puise dans ce stock en continu pour se nourrir, et ce faisant, transforme le carbone organique et ces minéraux en nutriments qui nourrissent les racines des plantes. C’est la minéralisation.

Si le K1 est supérieur au K2, alors le sol s’agrade : il y a plus d’humus qui se crée que de MO qui se dégrade et est consommée. Le système est excédentaire et le sol s’enrichit. En revanche, si le K2 est supérieur au K1, le sol est déficitaire. Il ne crée pas assez de réserves pour renouveler les nutriments qui sont arrivés en phase finale de décomposition, accessibles pour les plantes. S’ils ne sont pas consommés immédiatement, ils sont perdus : lessivés par les eaux et descendus en profondeur, où les racines ne peuvent plus y accéder (on parle de « lixiviation »). C’est d’ailleurs ce qui se passe avec les engrais chimiques, qui sont épandus sous une forme très dégradée pour être consommés tout de suite. Tous les apports excédentaires sont lessivés et finissent dans nos nappes… Le sol de surface qui minéralise beaucoup se dégrade, perd en fertilité et, en quelque sorte, en autonomie alimentaire !

Un peu de jargon technique…
Dans les milieux scientifiques qui étudient le fonctionnement du sol vivant, on parle de MO “labile” et de MO “stable”. La matière organique “labile” est celle qui est décomposée très rapidement par les organismes de la vie du sol. Elle n’est pas stable dans le sens où elle va rapidement évoluer, être dégradée à travers les cycles de minéralisation et d’humification que nous avons évoqué. C’est cette matière carbonée labile, source d’alimentation de la biomasse du sol et des plantes, que nos pratiques agricoles visent à apporter en quantité. Grâce à elle, nous améliorons la fertilité et le potentiel nourricier de nos sols.A l’inverse, la matière organique stable est celle qui a fusionné avec les matières minérales et est, de fait, beaucoup plus difficile à décomposer. Elle va rester dans le sol pour longtemps. On estime qu’en moyenne 15% du carbone contenu dans les sols (donc dans la MO) se décompose en 4 ans, 65% en 40 ans et 20% en 1000 ans !

Qu’est-ce qu’un sol dégradé ?

Un sol dégradé est un sol qui connaît un phénomène inverse à l’agradation. C’est un sol qui n’est plus engagé dans un cycle vertueux de création. Cela s’explique par le fait que les apports de matière organique carbonée à sa surface ne parviennent pas à compenser les minéraux et nutriments qui sortent du système (en étant consommés ou perdus). Lorsqu’on implante des cultures légumières ou des céréales, elles consomment des nutriments. C’est ce qui garantit le caractère nourricier de leurs fruits et de leurs graines pour les humains. Les plantes puisent dans le sol ce dont elles ont besoin pour se développer et former leurs fleurs, puis leurs fruits, dans lesquels elles concentrent les sucres, les vitamines etc. Dans un écosystème naturel sans présence humaine, les fruits finissent par tomber au sol pour se ressemer, et la plante meurt ou perd son feuillage ce qui enrichit le sol de surface en matière organique. Mais si, au stade de maturité des fruits, l’homme les exporte systématiquement hors du champ (ainsi que les tiges et les feuilles), il crée un déséquilibre ! On déstocke les nutriments et le carbone, sans recharger le sol pour la culture suivante. Petit à petit, on épuise les réserves…

Ce phénomène d’appauvrissement des sols se constate partout dans le monde. Il est lié à l’intensification des cultures et à la mécanisation agricole depuis 1945. L’homme s’est concentré sur la minéralisation, c’est-à-dire le déstockage massif des nutriments retenus dans l’humus du sol, pour produire en grande quantité. Pour cela, il a retourné les champs, exposant les couches de sol inférieures à l’oxygène et accélérant la décomposition du carbone organique et des minéraux qu’elles contenaient. Cette pratique a permis aux plantes d’avoir rapidement accès aux nutriments dans des sols initialement riches. En cela, l’agriculture “industrielle” présentait dès ses débuts une redoutable efficacité. Mais elle a aussi accéléré la dégradation des sols et nos perspectives de rendement agricole. En France, cette agriculture a fait passer la teneur moyenne des sols en matière organique de 4% à 2% en l’espace de 50 ans. Cette baisse de fertilité des sols est inquiétante : l’inversion du processus et la transformation du sol en puits de carbone est au coeur des enjeux qui attendent l’agriculture dans les années à venir. 

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